La convention judiciaire d’intérêt public : CJIP
La convention judiciaire d’intérêt public : CJIP
Afin de prévenir des contentieux longs et couteux, le Législateur a créé un nouveau moyen procédural, à savoir : la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Créé initialement en matière pénale, le Législateur a choisi d’étendre cette convention à la matière environnementale.
La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 dite loi SAPIN II a introduit au sein du Code de procédure pénale un article 41-1-2, lequel offre la possibilité, avant la mise en mouvement de l’action publique, au Procureur de la République de conclure une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec l’auteur (personne morale) d’une infraction, généralement mis en cause pour des faits de corruption, de trafic d’influence, de fraude fiscale, de blanchiment de fraude fiscale ou d’infractions connexes.
Cette convention impose une ou plusieurs des obligations comme indiqué aux 1° et 2° du I de l’article du Code de procédure pénale, à savoir :
- le versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public dont le montant est fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels ;
- la soumission pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA), à un programme de mise en conformité de ses procédures de prévention et de lutte contre la corruption ;
- la réparation du dommage de la victime, dans le cas où cette dernière est identifiée.
La convention, après accord du mis en cause, est transmise au Président du Tribunal judiciaire par requête du Procureur aux fins d’homologation de ladite convention. Lorsque la convention est validée, celle-ci est publiée sur le site de l’AFA.
Récemment, le Législateur a transposé cette CJIP à la matière environnementale au sein de l’article 41-1-3 du Code de procédure pénale via la loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, en calquant la procédure de celle-ci sur la CJIP déjà existante au sein de l’article 41-1-2 du Code de procédure pénale.
Seule la nature des obligations diffère quelque peu de la CJIP en matière pénale :
- le versement d’une amende d’intérêt public au Trésor public dont le montant est fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels ;
- la régularisation de sa situation au regard de la loi ou des règlements dans le cadre d’un programme de mise en conformité d’une durée maximale de trois ans, sous le contrôle des services compétents du ministère chargé de l’environnement et des services de l’Office français de la biodiversité ;
- d’assurer dans un délai maximal de trois ans et sous le contrôle des mêmes services, la réparation du préjudice écologique résultant des infractions commises.
La toute première CJIP en matière environnementale a été proposée par le Procureur de la République près la Cour d’appel de RIOM au Syndicat Mixte de Production et d’Adduction d’Eau (SYMPAE) suite à l’enquête préliminaire ouverte contre ledit Syndicat du chef de déversement par personne morale de substances nuisibles dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer.
Le Procureur de la République a ainsi proposé à la SYMPAE de :
- verser au Trésor Public, dans un délai de 6 mois, une amende d’intérêt public d’un montant de 5.000 € ;
- s’astreindre à un programme de mise en conformité d’une durée de 30 mois, sous le contrôle des services compétents du ministère de l’environnement, avec la pose dans un délai de 6 mois d’un portillon d’accès à la vanne du bassin de décantation, permettant l’intervention à toutes heures des services de secours ;
- réparer le préjudice environnemental et piscicole évalué à hauteur de 159 € au bénéfice de la Fédération Départementale de Pêche de la Haute-Loire et de 2.159 € au bénéfice de l’Association Agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique (AAPMA), dansun délai de 6 mois.
Après obtention de l’accord de la SYMPAE le 22 novembre 2021, le Procureur de la République a saisi par requête le Président du Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay aux fins d’homologation de ladite convention.
Le 16 décembre 2021, le Président du Tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a rendu une ordonnance validant la toute première Convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale issue de l’article 41-1-3 du Code de procédure pénale conclue par le procureur de la République du Puy-en- Velay et le Syndicat Mixte de Production et d’Adduction d’Eau (SYMPAE).
On constate que depuis une vingtaine d’années, nous assistons en France à l’essor des modes amiables de règlement des différends.
Véritable volonté du Législateur dans le but tout d’abord de désengorger les tribunaux, le Législateur a également souhaité instaurer cette culture de l’amiable dans le but de trouver des solutions négociées et adaptées entre les différents protagonistes pris dans l’engrenage d’un conflit.
Si les MARD ont, dans un premier temps, touché la matière civile puis la matière administrative, c’est désormais au sein de la matière pénale qu’elles s’invitent.
En attendant d’avoir assez de recul sur l’utilisation de cette nouvelle procédure, on peut d’ores et déjà noter que cette dernière a le mérite de pouvoir faire cesser une atteinte grave à l’environnement et obliger les personnes morales responsables de remettre la biodiversité dans son état antérieur, et ce avec célérité ; l’on sait aujourd’hui que les contentieux durent sur de nombreuses années et peuvent être très coûteux pour le contribuable notamment.
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