Le cannabis à usage médical
Actualité réglementaire sur la culture et la production du cannabis à usage médical
Le 17 février 2022, le Gouvernement a adopté le décret N°2022-194 relatif au cannabis à usage médical. L’objectif du texte, annoncé dans sa notice, est « de permettre la création d’une filière allant de la culture au médicament à base de cannabis à usage médical en France ».
Alors qu’en France la question de la légalisation du « cannabis récréatif » n’est pas (encore) tranchée, les cadres règlementaires du cannabis « bien-être » (cannabidiol dit « CBD ») et du « cannabis à usage thérapeutique » (médicament) tendent à se préciser [1].
L’adoption du décret du 17 février dernier, qui concerne l’usage médical du cannabis, s’inscrit dans la continuité de l’autorisation de l’expérimentation du cannabis à usage thérapeutique par la Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 qui faisait suite à des travaux initiés en septembre 2018 par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) [2]. Elle a débuté le 26 mars 2021 pour une durée de deux ans [3].
En premier lieu, le décret modifie l’article R.5132-74 du Code de la santé publique (CSP) pour inclure la culture des plantes ou parties de plantes classées comme stupéfiantes parmi les activités interdites, à moins d’autorisation expresse : la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition et l’emploi.
En second lieu, il modifie l’article R.5132-86, spécifique au cannabis, en précisant que ces activités prohibées portant sur « le cannabis, sa plante et sa résine, les produits qui en contiennent ou ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, sa plante ou sa résine ; les tétrahydrocannabinols, naturels ou synthétiques, leurs esters, éthers, sels ainsi que les sels des dérivés précités et les produits qui en contiennent » peuvent être autorisées, lorsqu’elles portent sur des médicaments au sens de l’article 5111-1 du même code.
Il précise ensuite les conditions non cumulatives dans lesquelles une autorisation pourrait être accordée :
- « Le médicament fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché délivrée en France conformément aux dispositions du chapitre Ier du titre II du présent livre ou par l’Union européenne en application du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments ;
- Le médicament fait l’objet de l’une des autorisations prévues aux articles L. 5121-12 et L. 5121-12-1, ou de l’enregdutrement prévu à l’article L. 5121-13 ou d’une autorisation d’importation prévue à l’article L. 5124-13 en cas de rupture de stock ou de risque de rupture de stock de médicament. »
Par ailleurs, les opérations mentionnées au point I, à l’exception de l’offre et de l’emploi, peuvent être également autorisées lorsqu’elles portent sur des médicaments au sens de l’article L. 5111-1 contenant l’une des substances mentionnées aux 1° et 2° du I et répondant aux deux conditions suivantes :
- « Le médicament répond aux spécifications fixées par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, portant notamment sur ses caractéristiques, sa composition, sa forme pharmaceutique et ses indications ;
- Le médicament est fabriqué dans le respect des bonnes pratiques de fabrication prévues à l’article L. 5121-5 ou de tout référentiel équivalent reconnu au niveau international, afin de garantir sa qualité, sa sécurité et sa destination à usage thérapeutique. »
Le décret limite strictement l’autorisation de détenir et cultiver des plants de cannabis aux cultivateurs qui se sont engagés à fournir leur production aux établissements définis aux articles L.5124-1 (établissements pharmaceutiques et établissements ou organismes autorisés par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé après avis de l’Agence de la biomédecine pour les médicaments de thérapie innovante) et L.5138-1 (établissements autorisés par l’ANSM) du CSP.
S’agissant de la sécurisation des lieux, le texte impose que toute intrusion, détérioration ou incident de sûreté sur les sites de productions soit signalé sans délai à l’Agence régionale de santé et à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Le décret rappelle que des dérogations à l’interdiction de principe de toute activité portant sur le cannabis peuvent être accordées aux fins de recherche et de contrôle.
Les dispositions du décret exposées jusqu’ici n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er mars 2022 et devront être complétées par un arrêté ministériel qui viendra préciser les modalités techniques relatives aux activités pouvant être autorisées pour la production du cannabis à usage médical.
Enfin, le décret prévoit la création d’un nouvel article au sein du Code de la santé publique, applicable dès le 19 février 2022, rappelant expressément que les activités industrielles et commerciales portant sur des variétés de Cannabis sativa L. dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés sont autorisées [4].
Parallèlement, un Comité scientifique temporaire (de 4 mois) « Culture en France du cannabis à usage médical – spécifications techniques de la chaine de production allant de la plante au médicament » de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a débuté ses travaux le 18 février 2022.
La présentation du futur arrêté interministériel fixant les modalités techniques de détention, de culture, d’importation, d’exportation, de transport ainsi que de stockage de la plante de cannabis à des fins médicales sur le territoire national figurait à son ordre du jour.
Cette actualité réglementaire permet tout d’abord de combler une lacune de l’article R.5132-74 du Code de la santé publique, qui ne mentionnait pas expressément la culture de plantes classées comme stupéfiantes comme une activité interdite, et permet à presque un an d’expérimentation du cannabis à usage médical de définir les contours d’une pérennisation de cet usage.
Concernant les modalités techniques de la production et de la culture du cannabis à usage médical qui permettra à la future filière française de s’organiser, tout reste à construire…
[1] La mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis a organisé une consultation citoyenne du 13 janvier au 28 février 2021 sur l’usage dit « récréatif » du cannabis, entendu comme l’ensemble des usages actuellement illégaux du cannabis en France. La grande majorité des participants (80,80 %, soit 177 175 participations), a répondu qu’elle était favorable à une autorisation de la consommation et de la production dans un cadre établi par la loi selon l’Annexe I du Rapport RAPPORT D’ÉTAPE sur le cannabis récréatif établi par la mission d’information commune sur la règlementation et l’impact des différents usages du cannabis en 2021.
Le 31 décembre 2021, un Arrêté a été publié au Journal officiel précisant le cadre juridique du chanvre industriel et commercial.
[2] Article 43 de la Loi.
[3] Actualité – Lancement de l’expérimentation du cannabis à usage médical – L’ANSM publie la liste des 200 structures de référence – ANSM (sante.fr)
[4] La culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation, à des fins industrielles et commerciales.